Les dérives barbares de la pratique médicale dans les temps modernes n’ont pas été l’apanage des régimes totalitaires ; sans atteindre les sommets d’atrocité organisée commis par des allemands et des japonais dans les années 1930-1940, plusieurs affaires d’expérimentation médicale réalisées sans respect de la dignité humaine ont été dévoilées dans des démocraties. L’une des plus graves et des mieux connues est l’affaire de Tuskegee.
Les Services Publics de Santé des Etats-Unis ont mis en place et conduit entre 1930 et 1972 une recherche biomédicale sur la syphilis.
Cette recherche, réalisée à Tuskegee en Alabama, a concerné plus de 400 sujets. Il s’agissait d’une recherche destinée à étudier l’évolution naturelle de la syphilis chez des malades par rapport à un groupe de sujets témoins non infectés.
Les malades :
- étaient tous noirs et appartenaient à un groupe social défavorisé,
- n’étaient pas informés qu’ils avaient une syphilis,
- et tous recevaient en contrepartie de leur participation des avantages : gratuité des repas, des soins… et des frais d’obsèques.
En 1940, dix ans après le début, les chercheurs ont noté que les sujets infectés étaient en moins bonne santé que les témoins, et en 1946, leur taux de mortalité était deux fois plus élevé. A cette époque, le traitement par pénicilline a transformé le pronostic de la syphilis ; les chercheurs ont néanmoins décidé de poursuivre leur recherche observationnelle, et donc de ne pas traiter les sujets infectés. Aucune information n’a été donnée à ces participants.
Ces violations des règles éthiques, qui ont perduré jusqu’en 1972, ont contribué à la prise de conscience par la société américaine et internationale de l’impérieuse nécessité d’efforts renforcés pour le respect de la dignité humaine dans la recherche biomédicale.
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En mai 1997, le président états-unien Bill CLINTON a présenté des excuses nationales publiques aux victimes et à leurs familles.
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Il est édifiant de relever que les institutions officielles d’un même état ont pu d’une part apporter en 1947 une contribution décisive à l’éthique de la recherche chez l’être humain et d’autre part poursuivre des expériences en parfaite contradiction avec ces principes. Il a ainsi été tragiquement démontré que le respect de la dignité humaine et de l’éthique dans la recherche médicale ne pouvait pas être de la seule responsabilité des médecins, ni de la seule responsabilité des états : c’est bien l’affaire de la société toute entière.